Comprendre la précocité intellectuelle à travers le roman "No et moi" de Delphine Le Vigan
Une belle découverte pour ce roman publié il y a déjà quelques années. Delphine Le Vigan, romancière française raconte le parcours de Lou Bertignac, enfant précoce prête à tout pour aider No, jeune SDF. Deux personnes qui vivent dans un monde différent mais qui ont un point commun: leur marginalité et leur décalage avec la société.
J'ai particulièrement aimé sous forme romancée le décryptage du mode de pensées de Lou Bertignac.
On y décèle les divers signes de la précocité:
x comme le fait d'analyser, structurer, ranger, organiser
x la pensée par associations d'idées
x ne pas supporter l'injustice (véritable crève-cœur)
x faire semblant pour être dans la norme quitte à ne pas exploiter tout son potentiel
x le fait de se poser beaucoup de questions existentielles très jeune
x l'ennui en classe
x se sentir en décalage avec l’école, la famille
etc.
Quelques extraits:
"Depuis toute la vie je me suis toujours sentie en dehors, où que je sois, en dehors de l'image, de la conversation, en décalage, comme si j'étais seule à entendre des bruits ou des paroles que les autres ne perçoivent pas, et sourde aux mots qu'ils semblent entendre, comme si j'étais hors du cadre, de l'autre côté d'une vitre immense et invisible."
"Je donnerais tout, mes livres, mes encyclopédies, mes vêtements, mon ordinateur, pour qu'elle ait une vraie vie, avec un lit, une maison et des parents pour l'attendre. Je pense à l'égalité, à la fraternité, à tous ces trucs qu'on apprend à l'école et qui n'existent pas. On ne devrait pas faire croire aux gens qu'ils peuvent être égaux ni ici ni ailleurs. Ma mère a raison. C'est la vie qui est injuste et il n'y a rien à ajouter. Ma mère sait quelque chose qu'on ne devrait pas savoir. C'est pour ça qu'elle est inapte pour son travail, c'est marqué sur ses papiers de sécurité sociale, elle sait quelque chose qui l'empêche de vivre, quelque chose qu'on devrait savoir seulement quand on est très vieux. On apprend à trouver des inconnues dans les équations, tracer des droites équidistantes et démontrer des théorèmes, mais dans la vraie vie, il n'y a rien à poser, à calculer, à deviner. C'est comme la mort des bébés. C'est du chagrin et puis c'est tout. Un grand chagrin qui ne se dissout pas dans l'eau, ni dans l'air, un genre de composant solide qui résiste à tout. "
"- Je ne sais pas. J'ai appris à lire quand j'étais à la maternelle, alors je ne suis pas allée au CP, et puis après j'ai sauté le CM1. En fait je m'ennuyais tellement que j'enroulais mes cheveux autour d'un doigt et je tirai dessus, toute la journée, alors au bout de quelques semaines j'ai eu un trou. Au troisième trou, j'ai changé de classe."
Ce roman a été adapté au cinéma en 2010 par Zabou Breitman qui évoque ce livre comme "un conte urbain"
Aux éditions JC Lattès
http://www.editions-jclattes.fr/no-et-moi-9782709636391